Contexte et objectif initial de la majoration
La majoration de 25 % sur les bénéfices imposables des professionnels exerçant en Bénéfices Non Commerciaux (BNC) non affiliés à une Association de Gestion Agréée (AGA) a été instaurée en 2006. Cette mesure visait à renforcer la transparence fiscale et à encourager les professions libérales à adhérer aux AGA, qui offrent des services de suivi comptable et fiscal. En contrepartie, les adhérents bénéficiaient d'une exonération de cette majoration, visant ainsi à réduire les risques d’erreurs déclaratives et de fraude.
Toutefois, la loi de finances pour 2021 a marqué un tournant en prévoyant une suppression progressive de cette majoration, avec une réduction du taux chaque année jusqu'à sa disparition totale en 2023. Ce changement législatif avait pour objectif de simplifier la fiscalité des professions libérales et de mettre fin à une incitation perçue comme coercitive.
La Décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) : Un Contexte Juridique Supplémentaire
Bien que la suppression de la majoration ait été décidée indépendamment par la loi de finances, une décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) le 7 décembre 2023 aurait, quoi qu’il en soit, mis fin à son application. La CEDH a en effet jugé que cette majoration allait à l'encontre du droit de propriété des professionnels libéraux, la considérant comme une pénalisation injustifiée pour ceux ne souhaitant pas adhérer à une AGA.
Ce jugement, bien qu’intervenu après la suppression de la majoration en France, vient appuyer le principe de liberté de gestion des professionnels, soulignant que les incitations fiscales ne doivent pas être perçues comme punitives.
Cette décision pourrait potentiellement influencer d'autres dispositifs fiscaux similaires, en posant la question de la légitimité d’incitations jugées excessivement contraignantes.
Impacts fiscaux et opportunités pour les BNC
Suppression immédiate de la majoration
Avec la suppression de la majoration, tous les professionnels en BNC, qu’ils soient ou non affiliés à une AGA, ne sont plus soumis à cette pénalité. Cela permet aux libéraux d'exercer sans subir de majoration fiscale liée à leur choix de ne pas adhérer à une AGA.
Possibilité de réclamations rétroactives pour les années 2021 et 2022
Pour les années d'imposition non prescrites (2021 et 2022), il est possible de réclamer les sommes versées au titre de cette majoration. Il est important de noter que les réclamations pour l'année 2021 doivent être déposées avant le 31 décembre 2024 pour bénéficier de cette rétroactivité.
Zoom sur les médecins de secteur 1
Pour les médecins de secteur 1, la fin de la majoration ouvre des perspectives fiscales supplémentaires.
La possibilité de cumuler les avantages fiscaux
Les médecins conventionnés du secteur 1, qui relèvent du régime de la déclaration contrôlée, bénéficient de deux dispositifs fiscaux spécifiques :
L’abattement du groupe III : Calculé en fonction des recettes et de la spécialité du médecin.(cf. BOI-BAREME-000025).
La déduction complémentaire de 3 % : Celle-ci s’applique directement sur les honoraires conventionnés, permettant une réduction supplémentaire de la base imposable.
Avant 2023, l’administration fiscale exigeait que les médecins de secteur 1 fassent un choix :
Bénéficier de l’absence de majoration fiscale en adhérant à une AGA,
ou ;
Profiter des avantages combinés de l’abattement du groupe III et de la déduction complémentaire de 3 %.
Contraignait les médecins à opter pour la solution la plus avantageuse (BOI-BNC-SECT-40, § 170, 12 mai 2021).
Exemple concret d'économies fiscales potentielles
Prenons l’exemple d’un médecin généraliste conventionné secteur 1 relevant du régime de la déclaration contrôlée, avec :
Recettes globales : 60 000 € (dont 40 000 € d’honoraires conventionnés).
Abattement du groupe III : Supposons 2 000 €, selon les recettes totales et la spécialité.
Déduction de 3 % : 3 % de 40 000 € = 1 200 €.
Calcul de la base imposable après déductions :
Recettes globales = 60 000 €.
Après déductions : 60 000 € - 2 000 € (groupe III) - 1 200 € (3 %) = 56 800 €.
Impact fiscal (taux marginal de 30 %) :
Réduction d’impôt = (60 000 € - 56 800 €) x 30 % = 960 € d’économies fiscales par an.
Sur deux années rétroactives : 960 € x 2 = 1 920 € d’économies fiscales cumulées.
Une révolution fiscale pour les médecins de secteur 1
La suppression de cette majoration représente une avancée significative pour les droits de ces médecins, en leur offrant un allègement fiscal substantiel.
Comment procéder pour récupérer les sommes dues ?
Pour bénéficier de ces avantages fiscaux rétroactifs, les médecins de secteur 1 et autres BNC concernés doivent suivre plusieurs étapes. Nous leurs conseillons très fortement de contacter votre expert-comptable pour qu’il vous accompagne dans ces démarches, à savoir :
Étape 1 : Déposer une réclamation contentieuse
Pour les revenus de 2021 et 2022, ils peuvent déposer une réclamation auprès du service des impôts, en invoquant la décision de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales comme argument principal de la demande.
Étape 2 : Corriger les déclarations fiscales
Les déclarations professionnelles peuvent être corrigées en ligne. La correction des déclarations de revenus doit être effectuée avant le 31 décembre 2024 pour les revenus de 2021, et avant le 31 décembre 2025 pour les revenus de 2022.
Étape 3 : Déclaration pour l’année 2023
Pour les revenus de 2023, les déclarations doivent être corrigées via le service en ligne des impôts avant le 4 décembre 2024.
Points clés à retenir
Fin de la majoration : Depuis 2023 les BNC non-adhérent à une AGA ne subissent plus de majoration de leur résultat. Par ailleurs, les médecins de secteur 1 qui relèvent du régime de la déclaration contrôlée peuvent désormais percevoir l’abattement du groupe III et la déduction complémentaire de 3 % tout en étant adhérent à une AGA
Rétroactivité liée à l'arrêt de la CEDH : Les BNC qui n'étaient pas adéhrents à une AGA peuvent demander la restitution des majorations appliquées pour les années 2021 et 2022. Les médecins de secteur 1 qui relèvent du régime de la déclaration contrôle et avaient opté pour la non-majoration fiscale en adhérent à une AGA peuvent demander l'application rétroactive des abattements du groupe III et la déduction complémentaire de 3%.
Pourquoi pas vous ?
Il est fortement recommandé aux professionnels BNC de consulter leur expert-comptable pour tirer parti de ces nouvelles possibilités et obtenir les remboursements potentiels. Un conseiller expérimenté peut aider à maximiser les bénéfices fiscaux dans le cadre de cette réforme et à répondre aux besoins comptables spécifiques des professions libérales.
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